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9 juillet 2025 - Édition 18
L’infolettre* de Precy
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Écologie et démocratie : la guerre des modèles
En adoptant la loi Duplomb, la majorité présidentielle française a validé, sans sourciller, une vieille illusion dangereuse : on pourrait « accélérer » la transition écologique en simplifiant, en allégeant, en rognant sur les normes environnementales. Un pas de plus vers une écologie d’apparat, pilotée depuis les hauteurs de l’État central, à coups de circulaires et de bilans de mi-mandat. Un pas de trop, peut-être, à l’heure où la planète impose un tout autre tempo.
Mais à rebours de ce modèle vertical, technique et précipité, une autre approche existe. Elle s’expérimente, loin des couloirs parisiens, dans les territoires.
À l'occasion du 40e épisode de Nouveaux Récits, Daniel Cueff - ancien maire de Langouët et Vice-Président mer et littoral du Conseil régional de Bretagne, revient sur ses engagements et un principe de gouvernance simple : ne pas attendre de recevoir des directives.
Il a simplement agi : école en bois HQE, cantine 100 % bio, panneaux solaires dès les années 2000, arrêtés anti-pesticides, implication des citoyens dans la transformation locale. C’était du concret, du quotidien, du courageux. Et c’est précisément ce qu’on semble avoir oublié dans les hautes sphères.
Cette opposition entre la marche des territoires et l’immobilisme du sommet, c’est la guerre des modèles. Une guerre silencieuse, mais décisive. Elle oppose deux manières d’envisager la transition : l’une, jacobine, centralisée, réactive — souvent électoraliste — ; l’autre, diffuse, décentralisée, progressive — mais radicalement cohérente.
Le court-termisme politique n’est pas seulement une pathologie démocratique. C’est un obstacle structurel à la transformation.
Comment, en effet, bâtir une école bioclimatique ou réorganiser la gestion de l’eau sur un cycle électoral de six ans ? Comment engager une réorientation agricole ou penser la montée des eaux sans une vision à trente ou cinquante ans ? Cueff le dit avec clarté : « Ce que je mets en place, je ne verrai pas ses effets. Mais je le fais pour mes petites-filles. » Cette phrase, anodine en apparence, est une bombe politique. Elle dit ce que le débat national esquive : nous avons besoin de responsables publics capables d’agir pour des horizons qu’ils ne verront jamais. C’est à cette aune que se mesure la pertinence d’un modèle politique.
Or, cette vision à long terme ne se décrète pas. Elle s’ancre dans une gouvernance spécifique : celle qui fait confiance aux territoires, qui valorise l’intelligence des lieux, qui mobilise les citoyens autour d’un cap clair. Cueff parle de « démocratie implicative » : on fixe un objectif — comme le 100 % bio à la cantine — et on mobilise les acteurs locaux pour inventer, ensemble, le chemin. Ni injonction d’en haut, ni débat infini. Une boussole et des mains.
C’est précisément cette logique qui fait défaut dans l’approche actuelle de l’État. La loi Duplomb, sous couvert d’efficacité, organise le recul des exigences écologiques. Elle acte que les normes sont un fardeau, non une boussole. Elle parie sur l’amnésie des citoyens et l’absence de résistance. Mais ce faisant, elle affaiblit les territoires qui, eux, avaient déjà commencé à faire mieux — et plus vite. Le comble de l’ironie ? Ce sont souvent ces mêmes territoires qu’on accuse de lenteur ou d’immobilisme.
La vérité, c’est qu’il existe en France une énergie formidable, une capacité d’expérimentation, une lucidité démocratique que la centralisation étouffe. Si l’État décidait enfin d’ouvrir le jeu, de transférer des responsabilités fiscales, réglementaires et opérationnelles aux régions ou aux intercommunalités les plus volontaires, il libérerait une force de frappe écologique inestimable. À condition, bien sûr, de ne pas le faire à coups d’appels à projets standardisés, de cases à cocher et de guichets fermés à mi-parcours. Il s’agit de changer de paradigme, pas d’emballer l’ancien dans du langage durable.
Cette guerre des modèles n’est pas abstraite. Elle se joue tous les jours : dans la manière de répondre aux canicules en milieu scolaire, dans la gestion des terres agricoles, dans la rénovation thermique des logements sociaux, dans le pilotage des énergies marines. Elle oppose une logique d’autorité à une logique de légitimité. Une approche qui cherche l’impact médiatique à une autre qui cherche l’impact réel.
Face à cette guerre, la société française doit choisir. Voulons-nous une écologie de vitrine ou une écologie vivante ? Voulons-nous des lois qui allègent aujourd’hui, ou des politiques qui tiennent demain ? Voulons-nous que Paris commande ou que les territoires construisent ?
La réponse n’est pas seulement technique. Elle est existentielle.
Car dans cette guerre des modèles se joue aussi une certaine idée de la démocratie : celle où l’on fait confiance à l’intelligence collective, à l’enracinement local, au courage tranquille des maires, des paysans, des citoyens. Celle qui ne promet pas des résultats en 18 mois, mais un avenir habitable en 2080.
C’est peut-être moins spectaculaire. Mais c’est, à bien y regarder, la seule voie sérieuse.
F
Clients
TRASH, le film d’animation made in ESMA, remporte le prestigieux BAFTA Student Award à Los Angeles !
C’est une consécration mondiale pour le court-métrage TRASH, réalisé par huit jeunes talents de l’ESMA : le film vient de décrocher l’un des prix les plus convoités du cinéma étudiant international, les BAFTA Student Film Awards.
Fable urbaine nerveuse et inventive, TRASH met en scène une course-poursuite haletante entre un rat affamé et un pigeon dans une ville à l’abandon. Un récit visuel fort, né d’un travail d’équipe remarquable — désormais salué par la British Academy of Film and Television Arts.
« Ce prix reflète le travail acharné et la passion de toute une promotion », déclarent les jeunes réalisateurs, venus recevoir leur trophée à Los Angeles.
Porté par une pédagogie exigeante et tournée vers l’international, l’ESMA confirme avec cette victoire sa place parmi les meilleures écoles de cinéma d’animation au monde.
✨ TRASH, un film à suivre de très près — il ne fait que commencer à faire parler de lui.
EP40 - Nouveaux Récits
L'écologie vue des territoires avec Daniel CUEFF, vice-président du Conseil régional de Bretagne
Pendant vingt ans, Daniel CUEFF a transformé une petite commune bretonne en laboratoire d’écologie concrète. Langouët, 600 habitants, une cantine 100 % bio dès 2004, du solaire sur les toits, un arrêté anti-pesticides devenu affaire d’État.
Militant, pédagogue, élu local, vice-président de la Région Bretagne en charge de la mer et du littoral, Daniel Cueff incarne une autre façon de faire de la politique. Une politique enracinée dans les territoires, dans l’expérimentation, dans la transmission. Une politique qui dérange parfois, mais qui ne transige pas.
Dans cet épisode, on parle de son enfance au nord du Finistère, de ses engagements précoces contre le nucléaire, de ses voyages en Pologne, de ses combats pour une Bretagne plus autonome, plus écologique, plus démocratique. On évoque aussi les doutes, les oppositions, les émotions. Et ce qui l’anime encore, aujourd’hui.
Nouveaux Récits sur Apple Podcasts
Orature
Prochaine édition : 25 septembre 2025
Orature est un podcast, enregistré et diffusé en direct. Nous invitons 5 personnes de tous horizons à venir partager une histoire de 10 minutes sans note.
Orature est conçu pour être un lieu d’expression inclusif où la diversité des expériences humaines est célébrée. Chaque épisode met en lumière une personne différente, racontant une histoire personnelle, inspirante, drôle ou émouvante.
Nous croyons que chaque personne a une histoire unique qui mérite d'être partagée.
Enregistrement en live
- Jeudi 25 septembre 2025 de 19h00 à 20h30
- Ubu, 1 Rue Saint-Hélier, Rennes, France
Disponible sur toutes les plateformes d'écoutes : Apple Podcasts, Spotify, Amazon, etc.
Le verbe
Décider autrement
"Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux.”
–
Marcel Proust (1871–1922), écrivain français, auteur Du côté de chez Swann
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