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Fouad Souak
Nous avons toutes et tous une histoire à raconter, une cause à défendre, une voix à faire entendre. Je suis Fouad Souak et Nouveaux Récits est un podcast produit par Parole Publique.
Bonjour Jacques. Merci d'avoir accepté l'invitation de Parole Publique. Tu n'as pas trop peur ?
Jacques Barreau
Ca va, je suis un peu chez moi ici ! J’habite Trégueux à 10 minutes d’ici.
Fouad Souak
Merci encore d’être le premier invité de cette deuxième saison de Nouveaux Récits, le podcast de Parole Publique, la jeune agence de communication et relations publiques que j’ai créée il y a un peu plus d’un an.
Jacques Barreau
Deuxième saison, très bien.
Fouad Souak
Pour ce Nouveaux Recits, nous avons eu l'envie d'inviter des personnalités, des entrepreneurs, des présidents ou présidentes d'associations qui nous inspirent à nous raconter leur parcours et l'idée derrière motrice derrière celui-ci. Tu es le cofondateur et PDG de Grain de Sail, peux-tu nous parler un peu de toi et de l’entreprise que tu as co-fondé ?
Jacques Barreau
Ah Grain de Sail c'est une histoire… on est dans notre 10ᵉ année mine de rien ! Ca reste une entreprise jeune mais avec quelques années d'expérience, dirons-nous. Du point de vue de mon parcours, avant Grain de Sail, j’étais dans les énergies marines et avant cela même, plutôt dans l'ingénierie informatique électronique, des choses comme ça. J’ai donc une certaine habitude du pilotage de projet, pour résumer. J'ai eu la chance de pouvoir travailler avec mon frère jumeau Olivier pendant à peu près huit neuf ans au développement des énergies marines au travers de l'entreprise Nass&Wind à Lorient.
Notre objectif était de développer des parcs éoliens offshore, mais pas seulement. Il se trouve en fait que toutes ces activités de production d'énergie en mer demandent de bien comprendre comment fonctionne le secteur maritime, à la fois au niveau technique, financier, mais aussi au niveau de la sécurité des hommes. En somme, de tout ce qui est particulier de par le simple fait d'être en mer. A un moment donné, Olivier a eu l’idée de s'intéresser à la manière dont nous pourrions décarboner le transport maritime. Ce sont nos habitudes de fonctionnement en contexte maritime qui nous ont en quelque sorte donné envie de poursuivre l'aventure à partir de cette idée…
Un ami de mon frère, Stéphane Guichen paludier à Noirmoutier, l’avait appelé un jour pour lui montrer un vieux gréement qu’il voulait ramener à Morlaix. Le bateau était en mauvais état mais à l’époque il a eu le mérite de nous donner l’envie d’un transport à voiles, mais plutôt que sur de vieux gréements, qui sont certes de très beaux navires mais ne sont pas éternels et n’ont pas que des qualités, de le faire sur de vrais “cargos voiliers” qui inclueraient les technologies d’aujourd’hui !
Fouad Souak
A ce moment là, au constat de la nécessité de penser un nouveau modèle, il y avait une opportunité ou vous vous être simplement dit “Allez on va le faire !” ?
Jacques Barreau
Par conviction. Nous étions conscients que les très polluants navires à énergies fossiles étaient le standard actuel du transport maritime. On s’est alors dit que c’était oublier que pendant des siècles la norme avait été de transporter les matières premières avec des voiliers, et qu’il était sans doute possible avec les technologies d’aujourd’hui, de faire quelque chose dans le domaine. On avait raison, il n’y a qu’à prendre l’exemple de la course au large qui sert de laboratoire et permet de développer de nombreuses innovations dans des domaines très divers : textiles, cordages, informatique, aide à la navigation, design des coques qui permettent de mieux remonter le vent etc. Un premier bloc d'innovations qui laissait penser qu'on pouvait aujourd'hui naviguer de manière bien plus efficace qu'avant. Il y a un deuxième élément qui est tout aussi fondamental et qui, pour le coup, n'existait pas du tout il y a un siècle, c'est le routage. En clair pendant nos navires sont en opération de transport, il y a une équipe à terre, qui regarde ce qu'on appelle les GRIB météo, les prévisions à quelques jours, capables de modéliser la meilleure manière de faire avancer le navire dans le système météo du moment.
Cela offre à la fois de la performance, puisque le but est de trouver le meilleur chemin pour faire avancer le navire et en même temps cela permet de lui faire éviter des zones trop dures ou des zones où il y aura peu de vent. C'est probablement l'innovation la plus impactante en fait sur la manière de naviguer aujourd'hui par rapport à ce qui se passait auparavant.
Fouad Souak
En réalité, c'est de la planification.
Jacques Barreau
Oui, ce n'est pas du tout l'analyse de la limite du contexte météo présent mais plutôt de ce qu’il va se passer dans les jours à venir. Grâce aux satellites, on est capables de faire des prévisions qui offrent cette fameuse efficacité. C’est donc la combinaison de deux éléments : la technologie qui permet de construire des bateaux de plus en plus efficaces, et en parallèle le routage.
Fouad Souak
Est-ce que c'est un projet qui aurait pu exister dans les années 90, au début des années 2000 ?
Jacques Barreau
Oui, également. On aurait très bien pu commencer un peu plus tôt puisqu'à l'époque il y avait déjà une manière de faire du routage.
Fouad Souak
Et qu'est ce qui l’a rendu possible en 2010 - 2015 ?
Jacques Barreau
Le contexte de l’époque, la pression environnementale qui commence à être tellement perceptible, le réchauffement climatique… à un moment donné on se dit qu’il fallait faire quelque chose !
Fouad Souak
Il faut qu'il y ait des personnes qui se lancent aussi.
Jacques Barreau
Oui, il faut se lancer mais pas se lancer sans réfléchir puisque la problématique d'une entreprise c’est avant tout, il faut le dire aussi, qu'elle puisse être pérenne, sinon ça n'a pas de sens. Et pour qu'une entreprise soit pérenne, il faut que son modèle économique tienne la route.
On a beau dire “on est dans le dans les énergies renouvelables, etc.“ si on n'a pas, dans le même temps une vision financière très fine, on peut vite aller dans le mur. Le projet peut être très beau, mais s'il n'est pas financièrement tenable, de toute façon, il va disparaître.
Fouad Souak
Pour la construction du premier bateau, quelle était l'enveloppe financière ?
Jacques Barreau
Le premier bateau a coûté environ 2 millions d'euros. C'est un navire de 24 mètres qui a une capacité d'emport de 50 tonnes. Ça fait environ 26 palettes. On peut donc dire que c'est un navire qui est lent, qui coûte cher quand même et qui en plus n'a pas forcément une grosse efficacité économique justement parce qu'il fait 24 mètres. Mais on ne voulait surtout pas démarrer par un trop gros navire puisque ç’aurait été prendre des risques industriels limite inconsidérés. Surtout, dans le domaine maritime il y a une règle de base : on y va progressivement. On ne fait pas les malins, on essaye déjà de faire des tests à échelle raisonnable et puis on apprend au fur et à mesure, car même si on venait un peu de ce milieu là, on était quand même conscients que c'était une grande première. Là, on a sorti Grain de Sail 1 qui est le premier navire. C'est une première mondiale en fait, puisqu'on n'avait jamais recréé de navire de transport à voile depuis les vieux Gréements.
C’est, je pense, un navire qui va marquer son temps puisque qu’il est et sera la toute première unité opérationnelle d'un navire dédié au transport normé “marine marchande” mais tenant compte de la technologie d'aujourd'hui.
Fouad Souak
Est-ce que tu dis bien que la dimension du bateau ne peut pas le rendre économiquement viable parce que ses capacités de chargement ne sont pas suffisantes pour l'amortir ?
Jacques Barreau
Il est viable financièrement, on a bien-sûr fait en sorte de trouver un équilibre.
Le prix à la palette, est relativement lourd dû à la taille du navire. Il est vrai que l'équation économique en fret maritime, c'est que plus le navire est grand, moins ça coûte cher. C'est-à-dire que l'évolution du coût du navire n'est pas proportionnelle à la capacité en cale. D'ailleurs, Grain de Sail 2 est deux fois plus long que Grain De Sail 1, et logiquement deux fois plus large et deux fois plus haut, ce qui multiplie par 10 le volumes disponible en cale, sans pour autant multiplier par 10 le coût de fabrication de ce deuxième navire.
Fouad Souak
Passer de quelle capacité à quelle capacité ?
Jacques Barreau
On va passer de 50 tonnes soit 26 palettes en cale pour le premier à 350 tonnes et 238 palettes en cale pour le second. Des nombres qui parlent !
Fouad Souak
En effet c’est très net !
Mais on va rétropédaler un petit peu et revenir un peu dans le temps parce qu’en réalité, tu l'as évoqué dans ta présentation, ton frère et toi , avant Grain de Sail, étiez engagés dans un projet éolien en lien avec le projet de champ éolien offshore en baie de Saint-Brieuc. Projet finalement abandonné par l’Etat, alors qu’après des années de développement vous étiez arrivés premiers…
Jacques Barreau
C'est un choix politique !
Comme je le disais à l'époque, ça revenait à terminer le marathon premier et à ce qu'on te dise au final “non, désolé, c'est le deuxième qui a médaille d'or”. Et terminé. Je me suis donc retrouvé, après avoir travaillé pendant à peu près cinq ans sur le projet de Saint-Brieuc, à effectivement devoir constater que le projet nous avait échappé alors qu'on avait le maximum de points. On avait gagné l'appel d'offre et on se retrouvait politiquement écarté pour des raisons de politique industrielle qui nous échappent totalement. Et sur un autre projet qui va voir le jour et à la limite tant mieux pour l'environnement et tout ça. Mais c'est vrai que ça s'est passé dans des conditions extrêmement discutables.
Il y a eu un jugement par la suite, on a été quand même un peu “réhabilités” sur ce sujet. En tout cas c’est vrai qu’indirectement le fait que je n'ai finalement pas continué à m'impliquer dans ce projet éolien qui fait que l’on a créé Grain de Sel.
Fouad Souak
Si vous aviez gagné, il n'y aurait pas eu Grain de Sail ?
Jacques Barreau
Je sais pas. C’est possible. La morale étant que même des nouvelles qui peuvent paraître très mauvaises à l’instant T, peuvent au final aboutir sur des choses bien plus positives !
Fouad Souak
En somme, toutes ces années de développement, ces nouvelles compétences que vous aviez réussi à mettre en œuvre, vous les avez employées pour bâtir un nouveau modèle !
Jacques Barreau
Faire de ces nouvelles le parcours de vie et le parcours professionnel qui fait que moi, j'aurais été incapable d'imaginer ce qu'on a fait aujourd'hui il y a quinze ans de ça. Les choses arrivent petit à petit. Ce qui est important je pense, c'est de savoir à l’instant T sentir et saisir les opportunités quand elles se présentent.
Et quand il y a une opportunité à laquelle on croit qui nous paraît être plutôt cohérente ça donne envie de s'y investir et de travailler. Et c'est vrai que je sentais, lorsqu’on a décidé de monter et d’accélérer le projet Grain de Sail, que c'était un projet qui pouvait être passionnant. J'ai besoin de passion pour passer des heures à travailler sur un projet, parce qu’il faut le dire, c'est quand même énormément de travail pour monter tout ça ! Donc autant y prendre du plaisir. Et c'est vrai que dans Grain de Sail, on mélange du café, du chocolat, du maritime et une belle bande de d’amis, alors du plaisir, il y en a !
Fouad Souak
On peut dire en tout cas, qu’il y a un point commun entre ces deux projets, c’est que vous n’avez pas froid aux yeux ! Si on regarde un petit peu les chiffres à l’échelle mondiale, on se rend compte que le transport est la première source d’émissions de CO2, et représente à lui seul entre 40 et 45% du total des émissions des GES. A l’échelle de la France c’est moins, le transport représente 12%, comme la production d’énergie, plus faible en émission de GES par rapport aux chiffres mondiaux notamment en raison de l’apport du nucléaire. Si on résume, vous avez décidé de vous lancer sur les deux plus grands sujets carbonés !
Jacques Barreau
Oui. Alors le transport maritime, c'est une sous catégorie du transport en général, il y a terrestre et le transport aérien, etc. Donc le transport maritime représente 3 à 5% des émissions, comme l’aérien. Alors en effet on s’entend souvent dire “3% c’est peu, pas besoin de s’y intéresser !” Mais si, car la plupart des chiffres sont de cet ordre là, et 3% plus 3% plus 3% on arrive vite à 100% ! Ce n’est pas parce que le transport maritime ne représente “que” 3% de ce problème qu’il ne faut pas s’y intéresser, d’autant que les chiffres sont potentiellement à la hausse. Tel que c’est parti, si on ne fait pas grand chose, on sera plutôt sur du 7% à l’horizon 2050. Donc oui la nécessité d’agir est là, dans ce domaine mais dans de nombreux autres domaines et en même temps !
Fouad Souak
A terme quel est l’objectif ? Est-ce que c’est réinventer le fret maritime mondial du XXIᵉ siècle ? Ou est-ce plutôt de proposer un modèle différent, le nôtre, celui auquel on croit ?
Jacques Barreau
L’objectif, il est de répondre à l'urgence climatique, clairement. C'est pour ça que nous avons conçu des navires qui sont extrêmement efficaces sur l'économie carbone. Ce qui est problématique en maritime, c'est que plus le bateau est gros moins il est facile de le décarboner. C'est assez simple, imaginons un porte conteneurs de 400 mètres : on sait qu'aujourd'hui, mis à part l’énergie fossile on n’a pas de moyen de faire bouger ces bateaux. L'hydrogène n'a pas suffisamment d'énergie volumique pour fonctionner, si on mettait l'hydrogène dans un porte conteneurs, il n'y aurait plus de place pour la cargaison, ce qui serait un petit peu ballot quand même. Si on voulait le faire en mode propulsion électrique, il faudrait des batteries absolument colossales : à nouveau plus de place pour la cargaison, ce serait un petit peu gênant. Et si on voulait y mettre des voiles, ça demanderait des poteaux à 200 300 mètres qui seraient juste colossaux, qui ne passeraient pas évidemment sous les ponts, qui seraient structurellement très compliqués à opérer. Et qui créerait même en fait un déséquilibre global sur le navire, qu’il faudrait compenser par une quille sous le bateau, qui serait elle aussi colossale…
Bref, on voit aujourd'hui qu’on ne sait finalement pas trop quoi faire pour décarbonner efficacement ces très grands navires, on peut le faire à la marge, mais ça n’est pas grand chose, on peut-être gagner 10 % d’émissions en moins, mais il en reste 90% !
On est donc plutôt partis sur une approche inverse qui consiste à dire “maximisons l'économie carbone, et regardons quelle est la taille de navire qui permet d'obtenir ce maximum”. On s'est rendus compte qu'aujourd'hui c’était un navire d’environ 50 mètres, avec des mâts qui font également 50 mètres de haut.
Ca permet d'avoir un navire bien toilé, comme on dit en maritime. Un navire dont le moteur à voiles est performant et assez puissant. Et en ayant ce gréement grande dimension par rapport au navire, on est capables de très peu utiliser le moteur thermique et donc de générer une économie carbone qui chez nous oscille entre 90 et 97 % d'économie. Voilà ce qu'on obtient sur ce genre de navire. Parallèlement, comme le gréement est plutôt celui d’un navire bien toilé, il va vite. Donc on a en plus une vitesse de déplacement qui oscille entre onze et douze noeuds ce qui correspond à la vitesse de déplacement de la plupart des cargos.
Fouad Souak
C'est ce que j'allais te demander. Si en fait tu faisais exactement le même trajet en cargo et avec ton cargo voilier avec eux, qui arriverait le premier ?
Jacques Barreau
Ils seraient plus rapides.
Fouad Souak
Ah ?
Jacques Barreau
Oui, en fait, ça n’est pas tellement pour la vitesse de croisière, parce qu’on vient de le dire, elle serait à peu près équivalente. C'est surtout qu'on a un navire de plus petite dimension qui permet d'accéder à des ports secondaires qui ne sont pas congestionnés. Et devant lesquels on n'a pas besoin d'attendre quelques jours de temps en temps. Ce qui fait qu'au final souvent, une transatlantique met une semaine de moins qu'avec un navire traditionnel, parce que nous, on arrive et en 2 h, on décharge et on repart.
Ca fait la différence, quand on sait que des navires restent parfois bloqués en stand-by pendant une semaine, ou que des portes conteneurs ont tellement de conteneurs qu'on met une semaine à les décharger, ça revient au même. C'est là qu'on voit qu'en ayant des navires un peu plus petit finalement, on a aussi, non seulement l'efficacité carbone, mais aussi l'efficacité logistique. C’est en cela que les anciennes solutions, enfin les soi-disant anciennes solutions de transport à la voile ne sont pas du tout anachroniques, au contraire.
Fouad Souak
J'ai entendu dire qu'il y avait, notamment en France, en tout cas ailleurs je ne sais pas, des ports certifiés ou labellisés pour décharger les produits bio.
Jacques Barreau
Oui, c’est ce qu'on appelle des PED, des Ports d'Entrée Désignés qui sont issus de la réglementation européenne et qui font qu'on ne peut pas décharger une cargaison bio, surtout lorsqu’elle doit être contrôlée physiquement. Aujourd’hui, quand une analyse physique de la cargaison est nécessaire, on a obligation de décharger à Saint-Nazaire. Donc ça pourrait être aussi Le Havre, mais en tout cas proche de chez nous, c'est Saint-Nazaire. Si derrière il n'y a pas de contrôle, on a eu des dérogations pour pouvoir le faire à Brest et plus récemment à Roscoff.
Fouad Souak
Ah super !
Jacques Barreau
Donc déjà c'est mieux.
Fouad Souak
Oui, mais en tout cas il reste le dernier kilomètre en fait à décarboner aussi
Jacques Barreau
Oui c’est vrai. Jusqu'ici, avec cette contrainte européenne, c'est vrai qu'on a été deux fois de suite obligés de passer par Saint-Nazaire.
Fouad Souak
En parlant de distances, dans ce projet Grain de Sail, il y a aussi un second défi, c’est celui d’avoir choisi d’aller chercher les matières premières le plus loin possible d’une certaine manière, en Amérique Latine. Peux-tu nous dire quel est le cheminement intellectuel qui, au milieu de ce projet, amène à devenir torréfacteur et chocolatier, et de pousser cet objectif de décarbonation jusqu’au bout de la chaîne, transport, et production compris ?
Jacques Barreau
Dans notre modèle on fait effectivement une économie carbone majeure en maritime, mais en effet, on essaie aussi de contribuer à limiter le bilan carbone terrestre en dupliquant nos sites de production, toujours en bord de côtes. On a créé par exemple la première torréfaction et chocolaterie sur Morlaix qui est opérationnelle, et nous sommes en passe d’en créer une seconde, sur Dunkerque. On peut alimenter l’usine directement avec nos navires, car elle est construite littéralement à dix mètres du bord à quai. Donc on à un navire qui peut accoster devant l'usine et décharger directement : un circuit ultra court pour le coup.
L’idée également, c’est de diffuser nos produits dans un rayon raisonnable. Dans la région nord, la région parisienne, la Belgique et voire même l'Angleterre un jour si on le souhaite. On essaye, car ce n'est pas notre métier, nous ne sommes pas transporteurs routiers, on va pas non plus imaginer un nouveau type de camion, c'est pas notre métier ! En revanche, on essaye d'aider le système.
Fouad Souak
Après on peut toujours sélectionner les prestataires.
Jacques Barreau
Oui, petit à petit, c'est en train de venir, j’ai vu passer l’info d’un groupe qui a visiblement fait l'acquisition de quelques camions électriques.
Fouad Souak
Parce que c'est plus facile d'électrifier un camion qu'un bateau de 300 mètres…
Jacques Barreau
Normalement, oui, mais il faut le faire. C’est de la technologie qui va arriver. Je ne suis pas trop inquiet sur le fait que petit à petit, les camions de transport, les poids-lourds, soient éléctrifiés, et donc décarbonés. Mais pour l'instant ça n’est pas encore le cas.
Fouad Souak
Il y a une philosophie globale derrière le projet, perceptible dans des choix industriels forts, comme celui de la relocalisation. On fabrique au plus près au final, du point de vue d'arrivée ou de départ.
Jacques Barreau
On essaie de faire notre chance et il y a jamais rien de miraculeux. Quand on part d'une feuille blanche, et qu'on a les idées à peu près claires, ça permet d'écrire quelque chose de cohérent et d'essayer d'agir sur l'ensemble des composantes en même temps. Sans oublier qu'il n'y a pas que le bilan carbone. Moi je parle souvent des limites planétaires parce qu’on a beaucoup parlé et on parle toujours beaucoup du développement durable ou de la RSE. C'est bien, ce sont des concepts qui sont intéressants évidemment avec le social, l'écologie et l’économie. Sauf que c'est à mon goût, en tout cas pas suffisamment détaillé pour vraiment rentrer dans des approches concrètes puisque c’est un peu la question que tout le monde se pose. On voit plein de problèmes partout, des problèmes environnementaux et on ne sait pas trop par où commencer. Il y a ce qu’on appelle la théorie du Donut -parce que le diagramme qui l’illustre est en forme de Donut, avec un cercle intérieur et un cercle extérieur- qui explique de manière beaucoup plus exhaustive la problématique environnementale, détaillée sur le cercle extérieur du Donut, en incluant les problématiques sociales, au centre du Donut. On se rend compte, si on prend l'exemple des limites planétaires, qu’il y en a en fait neuf et qu’une seule de ces limites sur neuf parle du réchauffement climatique… Les émissions de gaz à effet de serre, c'est une limite sur neuf. Ca permet de recadrer un petit peu l’aspect multifactoriel on va dire des soucis environnementaux.
Fouad Souak
Reste huit autres défis… on est pas sorti de l’auberge !
Jacques Barreau
Ah mais c’est costaud, j’ai pas dis l’inverse !
J'ai pas dit qu'on était sorti des ennuies, je vais pas plomber l'atmosphère mais quand même
Prenons une des limites, climat, très bien. On en rajoute une deuxième, l'artificialisation des sols par exemple, qui tue la biodiversité, on ajoute ensuite l'acidification des océans, la pollution générale etc. Alors il y en a une qui se porte bien, c'est la couche d'ozone qui est en cours de rémission c’est déjà ça…
Fouad Souak
C’est vrai qu’à la fin des années 2000, on pensait qu'on allait tous mourir parce qu’il n’y aurait plus de couche d’ozone !
Jacques Barreau
Finalement on a réussi. Là, ça a été la première fois qu'au niveau mondial, on a pris cette espèce de conscience humaine aussi et avec un mouvement d'ensemble, notamment sur les chloro fluro carbone, les CFC qui ont permis justement d'éviter que ça s'aggrave. C'est peut être d’ailleurs la seule preuve qu'on est capable d'agir collectivement à l’échelle planétaire. L'état des lieux aujourd'hui, c'est que sur ces neuf limites, on en a plafonné six. Il faut agir ! Si on prend l'exemple de la biodiversité, on agit en limitant l'artificialisation des sols par exemple.
Car quand on construit un bâtiment sur une terre agricole, c'est terminé, il n'y a plus de vie sous le bâtiment. Deuxième chose l'agriculture conventionnelle, même si elle est raisonnée, ne remplace pas l’agriculture biologique en ce sens que cette dernière, au delà de ses bienfaits pour notre propre santé, permet de maintenir des champs “vivants”, qui ont une vraie biodiversité et donc une vraie résilience par rapport à tous les parasites, les maladies en général. On sait aujourd’hui qu’un champ laissé à l’état naturel sera finalement plus “solide” qu’un champ qui aura été traité à tout bout de champ, si l’on peut dire !
Fouad Souak
C'est vrai que tout est systémique. Et puis le principe de base, c'est quand même de dire que si on prend soin de notre planète, on va réussir à prendre soin de nous.
Jacques Barreau
Et que la nature est très bien faite, surtout quand on laisse la nature reprendre un peu ses droits. Il y a un équilibre qui se crée et il y a toujours une bien meilleure résilience. Et là je m'instruis, notamment de ce que me disait le propriétaire de Château Marice, qui fait d'excellent vins en bio et qui me disait il est parti de vignes qui n'étaiten pas forcément en très bon état et que petit à petit, il a laissé la nature reprendre ses droits et est arrivé au bout de dix ans à des vignes qui n'avaient pas besoin de traitement parce qu'effectivement cet équilibre s’est créé au fil des années et rend finalement la vigne beaucoup plus solide.
Fouad Souak
C’est la biodynamie ?
Jacques Barreau
Biodynamie, entre autres. Mais le bio, déjà en tant que tel, suffit déjà à rétablir un peu les équilibres et à laisser simplement la nature faire son job.
Fouad Souak
Tout est question d’équilibre. Revenons sur l’équilibre financier qui a rendu possible l'existence du Grain de Sail et qui a consisté à dire en réalité à trouver une activité prétexte à la construction du navire, non ?
Jacques Barreau
Oui, c'est ça. L'idée de départ, c’était “on va faire un bateau”. Bon super, c'est bien. Sauf qu'ensuite, quand on veut devenir armateur, le financement du navire, est le sujet le plus difficile finalement. Et là, on s'est dit que c'était la bonne idée plutôt que d'aller chercher des chargeurs vers l'extérieur pour charger le navire, générer du chiffre d'affaires et financer le navire. Est ce qu'on ne pourrait pas devenir notre propre chargeur en devenant torréfacteur et chocolatier ? Pourquoi torréfacteur chocolatier ? Parce que ça nous crée un prétexte pour traverser l'Atlantique et parce qu'on a vite compris qu'il y avait d'excellents cacao et d'excellents café vert en Amérique latine notamment. On a donc imaginé cette première capacité à importer nos matières premières. Mais du coup, le bateau qui allait chercher ces matières premières était vide, et un bateau qui part à vide c’est un problème quand on est armateur, on s’est alors demandé “Qu’est-ce qu’on sait bien faire en France ? On est plutôt doués pour faire du vin…” On voit vite New York, la Statue de la Liberté qui nous fait de l’oeil, et on se dit “Ok, on va essayer d’exporter des vins bio”.
Fouad Souak
J'espère au moins que tu es parti goûter chacun de ces vins !
Jacques Barreau
Oui alors là ça a été assez complexe. Car la petite histoire c'est que c’est très très long de s'installer sur le marché américain. Ca fait maintenant cinq ans qu’on est à New York, mais il faut vraiment être très opiniâtre, ne pas hésiter et surtout ne pas mentaliser que ça va durer des années.
Fouad Souak
En fait, vous avez tout trouvé. Vous avez pris à chaque fois les voies les plus difficiles quand il n'y avait pas en fait de vin, pas de nom de vigneron qui exportaient déjà aux États Unis ?
Jacques Barreau
Si mais là, on n’aurait fait que transporter. Ce qu'on voulait, et c'est d'ailleurs ce qu'on fait souvent, ce qu’on aime bien c’est maîtriser les choses parce que quand on analyse un métier, on le maîtrise. Au passage, on capte la marge de la sous traitance. Donc en fait, les chaînes de valeur étendue ont beaucoup plus de valeur aujourd'hui qu'auparavant. Dans les années 90, les financiers avaient coutume de dire “Restez centré sur votre cœur de métier et sous traitez le reste.” Ça pouvait peut être s'entendre à l'époque, mais il se trouve qu'aujourd'hui il y a un tel niveau de concurrence et des marges qui sont relativement tendues dans chacun des métiers, que si on n’agrège pas quelques métiers les uns derrière les autres, au final, c'est quand même très difficile. Et en plus, on a une valeur perçue du coût qui est relativement restreinte puisqu'on est que le spécialiste dans un domaine.
Fouad Souak
Et ça c'est assez intéressant. C'est à dire que tu dis que lorsqu'on élargit sa chaîne de valeur mais qui reste incorporée en fait au final au métier, ça a quand même un intérêt financier et ça suit les objectifs. En tous cas, ça soutient les objectifs financiers derrière.
Jacques Barreau
C'est ça. Non seulement on est plus forts en valeur perçue, parce qu’aujourd’hui on nous perçoit à la fois comme torréfacteur, chocolatier, armateur maritime, transporteur, importateur, exportateur etc. Donc ça fait beaucoup de métiers.
Fouad Souak
Il manque un truc, c'est de produire du vin bio breton !
Jacques Barreau
Il va peut-être falloir patienter quelques années mais bon, il se peut que ça arrive un jour… Ca ne sera peut-être pas une bonne nouvelle !
Fouad Souak
Non je suis pas sur !
Jacques Barreau
Et donc on voit que cette agrégation effectivement créée, crée de la valeur, mais crée surtout peut être plus de résilience financière, puisque toutes les marges d'intermédiaires qu'on a capté et qu'on gère en interne restent chez nous. Le modèle économique est effectivement tout aussi important. C'est la partie un peu moins fun, forcément, on est pas toujours en mer, je passe aussi beaucoup de temps devant Excel, mais on a fini par modéliser le fonctionnement de l'entreprise en mélangeant le maritime, l'agroalimentaire, etc. Pour avoir un tableau de bord qui nous donne de la trésorerie à court et moyen terme, à une échelle fiable de deux ans, disons. Et puis également les soldes intermédiaires de gestion qui sont les éléments principaux de pilotage du chiffre d'affaires jusqu'au résultat net en passant par l'EBITDA, et tous ces gros mots là mais qui sont en fait hyper importants puisqu'on est quand même sur des activités un peu capitalistiques et qui nécessitent de prendre des décisions d'investissement qui des fois sont très lourdes et où on ne peut pas se planter. Donc la modélisation nous permet de vérifier avant d'enclencher l'investissement que ça passe. Et ça je ne saurais pas m'en passer.
Fouad Souak
Ça et c'est quelque chose que vous avez mis en place dès le départ ? Jour 1 ?
Jacques Barreau
2016. En fait, dès que le projet a commencé à prendre un peu d'ampleur, j'ai créé le système. Bon, c'est une grosse feuille Excel donc il faut aimer hein, mais c’est la seule manière de le faire efficacement et je m’en félicite tous les jours. Si je n'avais pas ce tableau de bord, ça reviendrait à être pilote de ligne sans instrument. Ça ne dure pas longtemps quoi.
Fouad Souak
En fait, on revient au final, sur l'activité de torréfacteur et de chocolatier qui vient soutenir la mission première.
Jacques Barreau
Il fallait surtout éviter de faire le bateau en premier. Ce serait une catastrophe industrielle et financière. Donc on a commencé gentiment par être torréfacteurs puisque le métier de la torréfaction de café est quelque chose de relativement facile à maîtriser. Donc je précise qu'on n'y connaissait absolument rien, ni en café, ni en chocolat. Donc il a fallu apprendre.
Fouad Souak
Et goûter !
Jacques Barreau
Voilà. Bon après je sais pas ce qu'il y a de plus désagréable. On a goûté des cafés, on a goûté les chocolats, c'était bien. Donc on a attaqué par la torréfaction de café en 2013, ça a commencé à marcher gentiment, ça c'est un petit peu développé et on a lancé la chocolaterie en 2016 et c'est vraiment là d'ailleurs, qu’est arrivée la marque Grain de Sail. Au début, les cafés s'appelaient Torréfaction de la Baie. C'était une marque de transition et on a attendu les chocolats pour vraiment trouver la marque qu'on n'avait pas trouvé nous mêmes d'ailleurs, on tournait en rond et on a fini par mandater une boîte de Paris pour nous aider à trouver le nom !
Fouad Souak
Qui a bien fait son job !
Jacques Barreau
Qui a super bien fait son job et c'est d'ailleurs une personne un de leurs créatifs de la Réunion qui a trouvé le nom de la marque, comme quoi ! Et c'est donc à partir de 2016, avec la marque de sel et le chocolat que l'entreprise a fini par vraiment décoller financièrement et nous a permis fin 2018 de signer le contrat de construction du premier navire, le fameux Grain de Sail 1.
Fouad Souak
Parce que derrière, il y avait des bases financières solides sur l'activité principale.
Jacques Barreau
On avait, grâce à nos projets précédents dans l’Osshfore des fonds propres. C’était un peu nécessaire pour démarrer vis à vis de nos banquiers, d'apporter des fonds propres significatifs permettant d’obtenir des décisions rapides, et ne pas perdre de temps et lancer ces fameux outils de production. Ensuite c'est le modèle économique et l'assemblage entre l'activité agroalimentaire et l'activité maritime qui petit à petit a créé l'innovation. On est pas forcément très friands de l’innovation technologique, surtout dans le domaine maritime, parce qu’une innovation trop récente a tendance à tomber en panne tout simplement et on l’occurence, on aime bien la fiabilité. Et on est d'ailleurs de temps en temps quasiment sur des approches low tech : des systèmes ultra simples mais qui du coup sont très très fiables, et dans notre secteur, fiabilité égale sécurité. Ce que je voulais dire, c'est que l'innovation qu’on a créé est plus une innovation d’organisation : celle qui consiste à associer de l'agroalimentaire et du maritime, ce n'est pas de la technologie. Cette entreprise un peu hybride, mi maritime, mi agroalimentaire. c'est ça qui est l'innovation et c'est ça qui crée la synergie, qui fait que quand un consommateur va déguster une tablette de chocolat ou un paquet de café, il va déguster le produit, oui mais on déguste aussi l'aventure maritime, environnementale, sociale ! Ca a créé un univers, un univers de marque un peu multi dimensions finalement, qui va beaucoup plus loin que le produit lui-même.
Fouad Souak
Ça veut dire que quand on achète du café Grain de Sail, c'est aussi de l'engagement : on soutient la démarche en plus de boire un bon café.
Jacques Barreau
Et comme le bateau on l'a pas fait en premier, il y a toutes les personnes qui nous ont acheté des cafés, du chocolat qui quelque part ont acheté un bout de bateau puisque c'est grâce à ces achats qu'on a pu financer le premier navire et le deuxième qui est en ce moment en construction. Tout est lié finalement.
Fouad Souak
Et ça ne vous a jamais traversé l'esprit d’ailleurs, de faire un financement participatif ? Il y a une initiative en ce sens d'ailleurs à Lorient qui est initiée par Nils Joyeux je crois ?
Jacques Barreau
Oui ça c’est Zephyr & Borée avec Nils qu’on connaît très bien.
C'est un petit milieu. On connaît les personnes de Néoline, on connait Zéphyr et Borée. On travaille ensemble, on discute entre professionnels. On n'est pas concurrents, car le marché est assez énorme. Et puis quand on est entre personnes qui connaissent vraiment le maritime et ses enjeux, c'est toujours intéressant de partager. Donc on le fait avec notamment ces deux sociétés là.
Fouad Souak
En plus de la décarbonation du déplacement, du transport, il y a aussi celui de la construction. L’éco-conception entre en jeu dans le projet non ? Notamment grâce au retour d’expérience de la course au large dont on parlait plus tôt. Il y a des initiatives, des team qui se lancent là dedans…
Jacques Barreau
Oui Roland Jourdain qui vient de sortir des composites à base de lin.
Fouad Souak
Armel Tripon des P’tits Doudous, aussi, recycle le matériel des hopitaux, notamment le titane, pour tout ce qui est accastillage du bateau.
Jacques Barreau
Oui il faut essayer. Nous, nous sommes sur des coques aluminium, un matériau assez facile à recycler. On a des voiles en dacron qu’on a dans l'idée de recycler en sacs etc.
Ce seront des objets collector d'ailleurs, c'est bien prévu de notre côté. Après effectivement, on bénéficie heureusement de la technologie développée et testée sur la course au large.
Fouad Souak
Tu as des exemples de choses que tu as sourcé directement auprès de la course au large ?
Jacques Barreau
Certains bouts en fait qui sont extrêmement solides. Il y a des matériaux aujourd'hui qui sont incroyables.
Les cordes en chanvre, c'est fini maintenant on est sur des matériaux bien plus solides. Aujourd'hui, il y a aussi par exemple un limiteur de gite sur Grain de Sail 1, un système qui va choquer la voile. Enfin choquer les voiles quand l'inclinaison dépasse un certain angle. Ça, ça vient de la course au large et c'est un système qui était surtout exploité depuis une dizaine d'années, donc fiable, et qu’on a intégré.
Fouad Souak
Une fois que ça a été éprouvé, c’est bon.
Jacques Barreau
Voilà quand c’est éprouvé on l’intègre. Les systèmes sortis du labo, on en veut pas.
La course au large a quand même bien œuvré et surtout on a un tissu industriel dans le Grand Ouest qui est hyper cohérent et hyper compétent. Les mâts de Grain de Sail par exemple sont faits chez Lorima à Lorient. Ils ont fait de la course au large, des mâts en carbone en quantité importante et donc on utilise les mats en carbone de Shell Oruma pour notre deuxième navire. Et de là il y a un vrai savoir-faire français. C'est peut être d'ailleurs pour ça que la filière vélique transport maritime se développe avant tout en France puisqu'on dès les premiers à nous lancer là dedans.
Fouad Souak
Toutes ces initiatives prouvent qu'on part du niveau micro, de l'individu et des initiatives personnelles, qu'on n'a pas besoin d'attendre un l'État interventionniste ou qui viendra subventionner tout ces projets, qu’on peut être à l'initiative de ces changements. On a vu un week-end, il y a eu l'annonce par Hervé Barville d'un partenariat entre la CMACGM et la BPI pour mettre sur la table 200 millions d'euros, dont 20 millions d'euros en 2023 pour la décarbonisation de la filière maritime. Qu'est ce que tu en penses ?
Jacques Barreau
J’en pense que de bien, il y a tellement d'efforts à faire aujourd'hui pour décarboner, notamment le transport maritime, que toutes les initiatives sont les bienvenues. De toute façon, même les très gros acteurs comme CMACGM ont pris conscience qu'il y avait un souci et d'ailleurs se grattent la tête pour savoir comment faire, puisqu’on se rend compte aujourd'hui qu'un navire, quand il est trop grand, il est très difficile à décarboner. Donc il va peut être aussi falloir apprendre progressivement à modifier le type de flotte et faire des navires de plus petite dimension qui seront plus faciles à décarboner. Pour les raisons que j'ai citées au début. Ces notions de taille, de gréement, si on en utilise en tout cas une propulsion vélique. Parallèlement, de se poser la question aussi de la manière de maîtriser l'effectif de la flotte aujourd'hui. On est en 2023, il y a à peu près 75 000 navires de commerce qui tournent en permanence sur les océans.
C'est colossal. Maintenant, si on laisse les évolutions du marché telles qu'elles sont aujourd'hui, d'ici 2050, il y aura probablement deux ou trois fois plus de navires. Si parallèlement, on essaye de faire, disons, 30 % d'économie carbone sur la flotte mondiale d'ici 2050, ça fait toujours 70 % des émissions de gaz à effet de serre et donc 70 % fois deux ou trois, ça fait pas moins 50 %.
Fouad Souak
On atteint pas les objectifs.
Jacques Barreau
Non seulement on les atteint pas, mais on explose ce qu'on fait aujourd'hui, c’est à dire qu’on en diffuserait encore plus qu'aujourd'hui. Donc il va falloir, parallèlement à l'optimisation des navires sur leur bilan carbone, maîtriser à minima l'effectif de la flotte, voire même le réduire. Et si on veut arriver a finalement avoir moins de nécessité d'utiliser les navires pour transporter tout et n'importe quoi autour de la planète, il faut relocaliser. C'est la seule manière de faire. Relocaliser en France notamment et essayer, pour compenser les coûts sociaux français, d’acheter des machines ultra performantes en termes de productivité. Donc là, il faut vraiment taper dans l'ultra moderne, dans des machines qui ont une productivité incroyable. Pour diluer le surcoût social français qui n'est pas critiquable en tant que tel. C'est quand même un avantage, donc il faut essayer de le tenir et de le maintenir mais relocaliser intelligemment pour éviter d'avoir à trimbaler toutes les matières premières ou des T-shirt fait en Chine, etc. Parce qu'en moyenne, un produit qui a été fait localement par rapport à son équivalent fait à l'autre bout du monde, il y a souvent un facteur deux. Il y a une énorme efficacité de relocaliser.
Fouad Souak
Tu parles de relocalisation, c’est un sujet dont on parle depuis longtemps. Je me souviens que lors de la crise des subprimes en 2007-2008, on avait dit “il faut relocaliser”, “il faut en fait qu'on ait une économie plus résiliente”. Pour avoir une économie plus résiliente. Il faut avoir des systèmes de production en réalité qui sont partis ailleurs. A l'époque, Nicolas Sarkozy avait même nommé des hauts commissaire à la réindustrialisation. En fait, le produit de leur travail n'a pas donné, n'a pas produit beaucoup d'effets. On se souvient un peu plus récemment de la crise sanitaire, notamment sur les questions logistiques, mais sur les médicaments, sur les principes actifs qui sont produits en Chine. Mais ça c'est pareil en fait, et apparaît encore une fois sur le volet environnemental.
On sait qu’au final, si on veut avancer, il faut réindustrialiser. Il faut que les outils de production soient au plus près de l'échelle de consommation.
Jacques Barreau
Oui, à une échelle la plus courte possible. Alors après faut trouver le bon équilibre. D'ailleurs, nous si on prend l'exemple de nos chocolaterie ou torréfaction, il ne s'agit pas de faire des micro usines qui du coup seraient pas rentables. Donc il faut trouver la taille critique par type de produit, de manière à créer quand même des sites de production qui soient naturellement rentables. Sinon, effectivement, ça ne dure pas longtemps.
Fouad Souak
On sait en fait que le T-shirt produit en France où est le chocolat produit en France est quand même plus cher.
Jacques Barreau
Prenons l'exemple du tee shirt. Un tee shirt fait à bas coût dans des conditions sociales même pas imaginables. On va en acheter, allez on va en acheter une dizaine, on va se faire plaisir. On achète des T-shirt faits en Chine ou ailleurs à 50 euros.
Qu'est ce qu'on a comme choix en face ? C'est d'acheter également pour 50 € deux tee shirt faits en France. Sauf que la qualité sera meilleure. Le bilan environnemental, n'en parlons pas. Les conditions sociales aussi, etc. Il y a un autre gros plan de l'innovation qui va être nécessaire dans les décennies à venir, c'est l'innovation dans nos comportements d'achat. Et ça, ce n'est pas non plus de la technologie. On retombe à nouveau dans l'innovation comportementale.
C'est là où il va falloir que le consommateur apprenne et s'habitue au fait de consommer moins, mais consommer mieux. Et donc cette notion de qualité du coût revient à la qualité au sens large, c'est la qualité du produit. La qualité environnementale du produit doit revenir comme une préoccupation de base puisqu'on est tous sur une planète aux dimensions finies. Donc on n'a pas le choix. On peut pas en partir donc faut bien faire avec.
Et donc cette manière d'acheter qui consiste à consommer moins mais consommer mieux, c'est impératif. Si on prend l'exemple du textile, qui est peut-être l'industrie la plus polluante au monde, c'est vraiment quelque chose qu'il faut faire. Et c'est là qu’on voit aujourd’hui que l’offre est très réduite. Donc il y a besoin de relocaliser sur le textile et pas faire les choses à moitié. Il ne s'agit pas de faire comme j'ai vu de temps en temps un sac où il y avait un magnifique petit drapeau bleu blanc rouge. Et je creuse, je creuse, je regarde et puis je tombe sur l'étiquette. C'était “designé en France” et fabriqué en Chine, c'était du flan.
Avec un joli petit drapeau français qui laissait penser que ce n'était pas vrai en fait.
Ce qu'il faut, c'est vraiment produire en France. Et donc quand on parle du tissu, ça veut dire aussi investir dans des métiers à tisser de compétition ! Je n’y connais rien, mais je sais qu’il faut investir dans de la machinerie qui soit performante pour qu'au final le coût reste quand même raisonnable.
Fouad Souak
Oui, absolument. Moi j'ai un exemple que je cite souvent, c'est : j’ai travaillé au conseil départemental des Côtes d'Armor et au début du mandat, on avait mis en place un système qui s'appelait “Agri local” et qui mettait en relation les producteurs locaux avec les chefs des cuisines collectives et notamment des collèges. Alors ils disaient mais “c'est bien beau votre système, mais en fait, tout coûte plus cher !”. Certes, ça coûte plus cher, mais c'est quand même de meilleure qualité. Le delta avait du coup été subventionné par le Conseil Départemental. Plus tard, les chefs qui avaient décidé de tester tout de même, ils se sont rendu compte deux choses : la première, c'est qu’effectivement, ils achetaient de meilleure qualité, donc c'était meilleur ! La seconde, logiquement, c’est que les élèves finissaient leur assiette !
Jacques Barreau
Eh bien oui. Consommer moins, consommer mieux.
Fouad Souak
Ils consommaient moins, ils consommaient mieux. Donc ils calibraient mieux à l'achat, donc au final à enveloppe constante, c'était la même chose et il y avait moins de déchets. Au final, c'était vraiment vertueux.
Jacques Barreau
Je prends un autre exemple des fois. D'ailleurs, pour illustrer ça, rentrons dans un magasin, on s'imagine dans une grande surface et on arrive l'étal des fruits et légumes et on voit un kilo de carotte conventionnelle 2 € le kilo, puis à côté un kilo de carotte bio 3 € le kilo. On se dit “bah 1 euros d’écart tout de même”. Mais d'où vient l'euro d'écart ? Il faut réfléchir un petit peu. L’euro d'écart, c'est de la productivité que l'agriculteur a réussi à générer à coups de poudre de perlimpinpin distribuée sur sa petite terre, qui a finalement flingué la biodiversité à cet endroit pour favoriser la carotte, puisque voilà, on donne la priorité à la carotte. Cette économie, on l'a faite une fois de plus sur le dos de la planète. Autre exemple quand on va trimballer nos fameux dix T-shirt que j'ai cité tout à l'heure dans un porte conteneurs pour trois fois rien. Cette économie qu'on a fait sur le transport, on l'a également fait sur le dos de la planète puisqu'on a diffusé des gaz à effet de serre.
On voit qu'il n'y a rien de gratuit en fait. On a eu effectivement pendant des décennies cette habitude d’acheter beaucoup et pas cher, sans se douter que cette économie se faisait au détriment de notre Terre, tout simplement.
Fouad Souak
Et les les gens s'en fichent parce qu’ils se disent “on vit 80 ans, on travaille 40” et qu’à l’échelle de la planète c’est rien du tout ?
Jacques Barreau
On se rend tout de même compte qu’il y a deux éléments qui deviennent perceptibles. Et quand un phénomène mondial devient perceptible humainement, on peut se gratter la tête déjà. Donc le premier, effectivement, les canicules et le deuxième pour ceux qui avaient la chance de voyager dans les années 80 en été, qui partaient en vacances à l'époque tous les 200 kilomètres, si on s'arrêtait pas pour nettoyer le pare brise ils allaient au carton. Des moustiques.
Aujourd'hui on peut rouler 200 kilomètres en été, il y a quasiment pas de trace sur le pare brise. Et ça, c'est une très mauvaise nouvelle, évidemment. C'est en fait une lecture très directe de la chute de biodiversité qu'on vit en ce moment, qui est une chute sans équivalent. C'est incroyable de voir à quel point, à force effectivement de pesticides, de fongicides et compagnie, on a fini par gagner sur la biodiversité. Or, la biodiversité, c'est toute la chaîne alimentaire. Il y a donc aujourd’hui ce problème, qui n'est pas suffisamment évoqué et je pense que ça va être un des prochains sujets après les gaz à effet de serre. Mais la chute de biodiversité, c'est quelque chose qui doit devenir notre préoccupation majeure. Il va falloir s'habituer à consommer plus de bio. Pas forcément parce que c'est bon pour la santé, ça c'est évident, mais surtout pour protéger nos terres et protéger la biodiversité.
Fouad Souak
On parlait justement de la manière d'évaluer un peu l'impact de nos productions. Aujourd’hui, lorsqu’on va dans un supermarché, on est très intéressé par acheter des produits qui nutritivement, sont de qualité. Un système de score a été mis en place etc.
Jacques Barreau
On a des indicateurs, oui.
Fouad Souak
Même si il y a des exceptions notamment pour le chocolat.
Jacques Barreau
Alors oui pour le chocolat, on fait des tests sur du chocolat Noir 85.
Parce qu'un Noir 85 oui a un peu de sucre et il y a un peu de gras, donc c'est terminé. Pour le chocolat, ça ne marche pas, quelle que soit la qualité.
Fouad Souak
Mais il ne faut pas en manger dix tablettes par jour.
Jacques Barreau
Pas obligé non !
Fouad Souak
Parce que la question, c'est celle de la responsabilisation des individus. C'est de changer radicalement les comportements plutôt en bien ou en mal. Il faut conscientiser un peu les choses, Il faut éveiller les consciences sur les sujets et dire à ces gens là, c'est à dire toi, moi, c'est à dire tous les consommateurs. “Vous avez le choix aujourd'hui non pas de choisir un T-shirt sur la base de son prix, mais également de son impact environnemental.” On fait comment ? Ça n'existe pas aujourd'hui ?
Jacques Barreau
Alors il y a justement un nouveau label qu'on est en train d'étudier de notre côté, qui s'appelle non pas le Nutri Score, mais le Planet Score qui est un cran au dessus et qui embarque justement ces problématiques environnementales au sens large.
On est en train de travailler un petit peu avec eux, notamment pour affiner le modèle, notamment sur la prise en compte de l'économie carbone. Parce que dans l'état actuel de leur modélisation, le fait d'être en bas carbone en maritime ne change rien.
C'est un petit peu dommage quand même, alors on travaille avec eux, on va essayer de l'améliorer et de manière à ce que ce critère planète score puisse devenir quelque part la référence de base.
Fouad Souak
C'est quoi ? C'est parce qu'ils n'arrivent pas à le mesurer. En fait, ils n'y arrivent pas.
Jacques Barreau
Je sais pas je n'ai pas le détail, mais j'ai eu un retour rapide l'autre jour avec le marketing qui travaillait là dessus. Nous en tout cas on aimerait bien en tout cas l'utiliser. Ça donnerait, disons, une vision un peu plus large que les simples qualités nutritionnelles, qui sont également quelque chose d'important, évidemment, mais qui permet d'aller au-delà. Un produit, ce n'est pas que ses qualités nutritionnelles. C’est globalement comment on a fait pour le produire.
Fouad Souak
Et en interne ? Parce que vous arrivez à évaluer le coût carbone de Grain de Sail ?
Jacques Barreau
On est en train de le faire en ce moment. On voulait attendre quelques années que l'entreprise soit un peu stabilisée avant de lancer le bilan carbone. C'est en cours en ce moment et on aura les premiers résultats en juillet qui, à mon avis d'ailleurs, ne seront pas forcément terribles. On va avoir une bonne note sur maritime, oui, mais il y a tout le scope de sous traitance et notamment de transport. Si on prend l'exemple de nos transporteurs qui eux le font pour l'instant en tout cas de manière classique. Donc j'espère que petit à petit vont s’électrifier. On voit que pour réussir à avoir un bilan carbone global qui soit efficace, il faut raisonner en “scope un, scope deux scope trois” et que ça demande un effort tout azimut. Et c'est ça la bonne vision, et pas d'ailleurs que sur le bilan carbone, sur la vision globale.
C'est pour ça que je parlais du fameux donut tout à l'heure, c'est qu’il faut agir sur plusieurs leviers en même temps pour adresser la problématique environnementale globale, puisque le sujet du moment c'est “comment on fait pour réduire notre pression environnementale”. Ce n'est pas que le bilan carbone. On voit que oui, sur la chaîne de distribution, au delà des navires, il faut qu'on s'améliore. C'est pour ça qu'on duplique nos unités de production et qu'on va aussi essayer de mettre la pression comme on peut sur nos transporteurs pour essayer de rendre leur camion un peu plus sympa qu'aujourd'hui quand même. Et là, il y a des vraies solutions qui vont arriver. On voit que ça demande un effort permanent.
Fouad Souak
Tu parlais dans la théorie du donut de neuf limites planétaire. Changement climatique, utilisation de l'eau douce, le cycle de l’azote…
Jacques Barreau
C’est ça le cycle de l'azote et du phosphore qui est en fait indirectement lié au déséquilibre de l'agriculture conventionnelle.
Fouad Souak
L'acidification des océans, la pollution chimique, la charge atmosphérique des aérosols, l'appauvrissement de l'ozone, celui de la biodiversité, le changement d'occupation du sol.
Jacques Barreau
L'artificialisation des sols. C’est le fait de transformer une forêt en terrain agricole dans un premier temps et dans un second temps, pire, d’y mettre un bâtiment.
Fouad Souak
Ils évoquent un plancher social, avec un certain nombre d'autres critères au revenu : éducation, résilience, bois, emploi, énergie, équité sociale, égalité des sexes, santé et nourriture. Est ce que vous avez placé des indicateurs face à chacun de ces critères ?
Jacques Barreau
Je ne les ai pas sous les yeux, là. Mais effectivement, j'ai fait l'exercice volontairement de voir de quoi il s’agissait au niveau des limites planétaires. Donc le cercle extérieur on va dire, mais également au niveau social. Donc je donne quelques exemples juste pour montrer que c'est pas très compliqué tout ça. Donc on a réussi au fil des années à monter nos salaires minimums à plus 18 % au dessus du SMIC. Donc première chose, de manière à tout simplement faire en sorte que les gens qui travaillent chez nous en étant à plein temps se disent pas arrivés au quinze du mois zut j'ai plus de sous, ça n'a pas de sens.
Fouad Souak
Et tu sais, qu'est ce que je peux faire une parenthèse ? moi c'est ça un truc délirant, ça veut dire que depuis toujours je constate que l'état subventionne et très bas salaire. On va écouter les opérateurs économiques avoir à payer moins de charges au moins deux ans, voire plus de charges du tout en fait sur eux sur le SMIC alors qu'il y a aucune incitation à payer davantage que le SMIC.
Jacques Barreau
Oui alors après c'est un choix d'entreprise, pour le coup, moi j'ai estimé que je pouvais pas. En tout cas laisser des salariés chez nous sur des salaires que j'estime trop bas, même au SMIC, soit 1 300 € nets par mois aujourd'hui on fait rien avec ça. Donc voilà, j'ai essayé en tout cas de prendre ma part. On offre également en interne la possibilité pour ceux qui le souhaitent d'investir dans notre entreprise directement au travers d'une structure qui s'appelle le grain de sel, participation qui permet du coup de devenir actionnaire de la holding. Donc ça on l'a fait. On a aussi les déjeuner dehors qui nous accompagnent depuis le tout début, depuis les cafés.
Fouad Souak
Tu as eu un prix pour ça.
Jacques Barreau
Plusieurs même. Ils s‘agit d’ouvriers en situation de handicap qui travaillent avec nous et ça se passe très bien. On a une approche qui essaie de s'adresser toutes les problématiques du moment, à la fois sociale et environnementale.
D'autres exemples au niveau environnemental, les produits bio, ça c'est un peu la base. On essaye d'économiser l'énergie. La chocolaterie de Morlaix, ça ne se voit pas, mais elle est couverte de photovoltaïque, 230 kW quand même en puissance sur la toiture ! On a un circuit d'eau fermé pour essayer d'économiser l'eau également. Au niveau des systèmes de refroidissement aussi, des machines qui font le chocolat évidemment, le transport maritime décarboné…
On essaie de montrer, et c'est ce que j'essaie de faire de temps en temps en présentant ça notamment à des chefs d'entreprises qu'aujourd'hui, qu’on est en capacité d’agir, en tant qu’individu consommateur, et en tant qu’entreprise ! Concrètement, il n'y a pas besoin d'attendre je ne sais quelle technologie ou je ne sais quelle décision politique. Chacun doit prendre sa part puisqu'on est co-responsables de ce qui se passe là, faut le dire. En tant que consommateurs, on est largement co-responsables, surtout dans les pays développés, de la catastrophe climatique en cours et environnementale d'ailleurs.
C'est à nous d'agir en tant que consommateur, en tant qu'acheteur. Donc le fameux consommer moins, consommer mieux en tant qu'entreprise, en regardant toutes les problématiques de l'entreprise et en essayant de les améliorer sur chacun, sur chacune des limites et également sur les critères sociaux. Parce que c'est pareil. Nous par exemple, zéro dividende, on ne se verse jamais de dividende par principe.
Nous, ce qu'on veut, c'est que ça soit l'entreprise qui bénéficie justement du bénéfice. Je ne vois pas pourquoi on irait sucer le sang de l'entreprise une fois par an en tant que patron. Ou alors on s'en met plein les poches, on part avec nos dividendes, on est content de s'acheter des cadeaux. Ça n'a pas de sens. Ça on ne le fait pas. Ça fait partie maintenant de ce qu'on communique, même volontairement, on ne souhaite pas se verser des dividendes. Et du coup, d'ailleurs, ça rend l'entreprise plus forte. Tout l'argent reste dans l'entreprise pour pouvoir y investir.
Fouad Souak
Oui, il y a aussi peut être une question d'engagement, parce que si les salariés et les collaborateurs voient qu’au final, la seule chose que vous prenez sur votre salaire est qu'elle est sous produit par l'entreprise.
Jacques Barreau
Ça n’a pas de sens. C'est je pense la différence entre développer une entreprise aujourd'hui et le faire il y a 20-30 ans. C'est quand on essaie de donner du sens à l'entreprise, vraiment, pour déjà y adhèrer pleinement nous même et puis que tous les salariés le fassent aussi ! Salariés qui sont d'ailleurs maintenant pour la plupart actionnaires.
On est un peu tous dans le même bateau, c'est le cas de le dire, mais on est dans le bateau avec plaisir. C'est un bateau qui est quand même sympa.
Fouad Souak
Justement pour parler des dividendes, je me souviens très bien d'un reportage avec un chef d'entreprise d'une PME française qui montrait la corrélation entre sa rémunération et la croissance de l'entreprise. Et en fait, on voyait une droite qui progressait mais sans discontinuer. C'était la croissance de l'entreprise et sa rémunération en fait, qui progressait aussi. Et peu importent les accidents de croissance, parce qu'évidemment on peut faire du plus cinq plus dix. En réalité, il avait toujours une progression très rythmée, très stabilisée. On parlait de sa rémunération et on voyait que sa rémunération n'était pas indexée sur la performance de la boite, au contraire.
Jacques Barreau
Mais ça c'est très bien, il faut montrer l'exemple. Nous on a un autre critère que j'ai pas cité, mais c'est que entre les salaires les plus bas et les plus élevés, le mien compris, je précise quand même, il y a un facteur trois maximum. Et on s'y tient.
Fouad Souak
Donc ça veut dire que pour t’augmenter, il faut augmenter tes collaborateurs.
Jacques Barreau
Exactement. J'estime ne pas non plus avoir besoin de plus, je ne cours pas après l'argent, c'est pas trop mon truc. Puisque qu'on a de l'argent, il faut le dépenser, il faut acheter des produits et c'est l'inverse du consommer moins, consommer mieux. Donc voilà.
Je pense qu'il y a aussi d'autres plaisirs dans la vie, le simple projet tel qu'on l'a conçu. Franchement, on se marre, il y a du plaisir à développer tout ça, comme quand nos marins sont en plein milieu de l'Atlantique et nous envoient une vidéo par satellite. Moi je suis comme un fou, je la regarde comme les autres et on prend du plaisir à ça. Si on a réussi à développer un projet qui est quand même très enthousiasmant et très motivant. Et donc c'est ça en fait le cadeau, c'est pas de se payer indûment la fin de mois.
Fouad Souak
Est-ce qu'il y a un autre cadeau qui serait de l'autre côté de la chaîne ? Parce que là on parle de la production, la commercialisation, donc du transport, de l'acheminement. Il y a aussi celui de la culture du café et du chocolat sur place, donc avec la sélection des fournisseurs, avec probablement l'identification de ces fournisseurs et donc de la manière de la juste rémunération des producteurs. Et comment ça marche tout ça ?
Jacques Barreau
Alors c'est ça, c'est pareil. C'est quelque chose qu'on a découvert au début, puisque je rappelle qu'on n'y connaissait rien dans tout ça, en agroalimentaire en tout cas. Il a fallu qu'on découvre un peu les systèmes de production. Il y a deux éléments de base auxquels nous, on a fait attention sur notamment les cafés et les cacaos, c'est de faire en sorte qu'on soit sur une agriculture bio. C'est un peu la base quand même. Je rappelle bio, biodiversité, ça sonne pareil. Et puis parallèlement, un autre principe de culture qui est le l'agroforesterie, qui consiste à faire un peu l'inverse de ce qui s'est hélas passé en Afrique, qui consiste à prendre une forêt, à dézinguer tous les arbres et y planter à la place des cacao ou du café, alors que l'agro-forêt. En théorie, ça consiste à planter entre les arbres du cacaoyer ou du café, qui sont du coup protégés par la canopée des grands arbres qui étaient là bien avant. Et du coup d'avoir également une production qui est plus solide, plus résiliente et qui résiste beaucoup mieux aux aléas climatiques et notamment la sécheresse. Aujourd'hui, le couple agriculture bio et agro-foresterie, c'est ce qu'on essaie de pousser.
Après, on a constaté que le système équitable tel qu'il est fait aujourd'hui, c'est une très bonne idée et ça part d'un très bon sentiment. Mais on voit qu'au fil des années, l'argent qui descend de la prime équitable qu'on paye tous en tant que consommateur a tendance à s'arrêter un peu trop au niveau de la coopérative et ne va pas descendre au niveau des producteurs. Et ça, on s'est un peu gratter la tête. On se dit que nous on est pas forcément très convaincus par l'efficacité du modèle… Donc ce qu'on est en train de mettre en place en ce moment, c'est de faire un peu de l'équitable nous mêmes. Donc en réservant budgétairement une prime. C'est assez facile moi je le fais en fonction des quantités qu'on prévoit sur l'année. Donc on réserve une somme d'argent qui est fait pour ça. Là, on essaye d'innover un petit peu là dedans, de passer soit par une ONG ou par un groupement, de manière justement à favoriser la conversion en bio. Et de favoriser les projets d'agro-foresterie et voir si c'est possible d'agir également par exemple, sur de l'acquisition de matériel permettant de donner plus de valeur ajoutée aux producteurs. Je prends l'exemple du cacao acheté avec des systèmes de séchage de séchoir pour pour les grains de cacao, pour les fèves de cacao. Ce sont quelques exemples.
L'intérêt, c'est que quand on le fait à l'échelle de l'entreprise, on a l'équivalent d'une dizaine ou d'une vingtaine de producteurs à vérifier. Quand je dis vérifier, c'est de bien vérifier que l'argent ou les moyens sont descendus vers ces personnes là. A l'échelle d'une entreprise, c'est possible. Quand on est sur un plus gros, il y en a quelques uns de connus. Sur les logos équitables. Le problème, c'est qu'ils n'ont pas toujours les moyens humains d'aller vérifier tout ça sur place. Et c'est là on voit qu'à un moment donné, si on raisonne sur un quelque part, alors c'est pas du circuit court, mais sur une entité un peu plus réduite à l'échelle d'une entreprise, on a finalement plus de capacité à aller vérifier ça qu'un très gros.
Et donc Grain de Sail va essayer au fil des années de faire de l'équitable à la sauce Grain de Sail, sans logo. Mais après tout, moi je m'en fous des logos. Ce qui compte, c'est que nos producteurs, au final, aient bien bénéficié des budgets.
Fouad Souak
Et ça, c'est super intéressant ce que tu dis et ce qui nous achemine un petit peu vers la fin de cet épisode, c'est que le récit finalement de Grain de Sail ne passe par aucun marqueur que l'on peut retrouver de manière un peu classique, de façon un peu marketing, dans l'appropriation d'éléments de langage du secteur l'entreprise, la mission, les sociétés impact, la labellisation bicorne, etc, etc.
Jacques Barreau
Grands mots, mais au final, ce ne sont pas les mots qui comptent, ce sont les actions.
Fouad Souak
Et normalement, ces sortes de certifications sont censées faciliter un peu la connaissance du consommateur et l’aider à choisir.
Jacques Barreau
On essaie d'expliquer ce que l'on fait, mais après j'avoue que je suis pas forcément très fan de tous ces de toutes ces médailles. Un peu comme les grands généraux russes avec des médailles de tous les côtés sur leur costume militaire.
Là, on ne fait pas tellement les choses pour le montrer. On fait les choses parce que on est convaincu qu'il faut les faire déjà. Alors on l'écrit quand même sur le site, il y a une rubrique “Notre philosophie durable” sur le site internet de Grain de Sail qui explique à la fois tout ce qu'on a déjà fait et surtout ce qui reste à faire. Parce qu'en fait c'est sans fin. Et c'est ça aussi une des finalités dans d'autres manières d'opérer, c'est qu'on estime qu'on n'est jamais arrivé au bout. On se pose donc tout le temps la question de ce qu'on est capable d'améliorer. Et c'est ça aussi le bon état d'esprit, je trouve dans le monde de l'entreprise et même en tant qu'individu. On est quand même 8 milliards sur Terre. On exerce du coup une pression environnementale colossale. Je crois que si on voulait vivre de manière durable avec un comportement de consommateur de pays développés, il faudrait plutôt qu'on soit 2 milliards, disons trois,
Soyons fous !
Mais huit, non, huit, ça ne passe pas. Donc il y a deux solutions. Soit on réduit la démographie, ce qui peut être aussi une solution, et puis parallèlement, on essaye de modifier nos habitudes comme on l'a dit, pour tendre vers du consommer moins, consommer mieux.
Voilà, il faut être factuel. Et là dessus effectivement, je n'ai pas besoin de dire qu'on est une entreprise à mission ou ou alors le Bcorp on va quand même essayer parce que c'est un niveau de certification qui est tellement costaud qu’on va quand même essayer. On espère en tout cas pouvoir être certifiés Bcorp en 2025, mais là c'est un peu balaise. Mais on va s’y mettre !
Fouad Souak
Pour une entreprise aussi, super structurée comme la tienne.
Jacques Barreau
On fait ce qu’il faut là, d'ailleurs on est en plein audit ISO. Demain, pas plus tard que demain on fait notre audit ISO.
Fouad Souak
ISO 26000 ?
Jacques Barreau
ISO 9000 pour commencer.
On est on est tout jeune, oui on oublie ça. Mais ça il a commencé en 2013, donc on a juste dix ans. Donc là on va faire l'ISO, le bilan carbone qui est en cours et de manière à effectivement obtenir la certification Bcorp en 2025 normalement. Et petit à petit se développer. En restant cohérents à la fois sur le maritime, en rajoutant des navires. On est en train de raisonner sur plusieurs navires. Déjà quatre cinq, navires toujours opérés sur l'Atlantique. Développer petit à petit d'autres unités de production sur la côte Est des Etats-Unis, et en Europe. Et montrer qu'on peut avoir un modèle, en tout cas de développement qui reste plus vertueux avec un minimum de pression quand même. N'oublions pas le cercle intérieur du donut qui est la pression minimum, le fait d'être sur Terre, même si on prend l'éducation par exemple scolaire. L'Éducation scolaire nécessite de faire une école. Une école génère une pression environnementale, pas tomber zéro. Ça c'est impossible.
Il faut juste faire attention à ces fameuses limites hautes. C'est cela qui compte, le fameux plafond environnemental. On essaie de développer ce modèle Grain de Sail en tenant compte de ces fameuses neuf limites. Et c'est très intéressant déjà, puisque c'est une approche qui est beaucoup plus exhaustive en tout cas que la RSE. Un peu violon quand même. Ou le développement durable, un peu trop simpliste à mon goût et qui laisse du coup la porte grande ouverte au green washing. Il faut quand même dire les choses.
Fouad Souak
Vous avez inauguré en fait, il n'y a pas très longtemps, en 2021 ?
Jacques Barreau
En octobre 2021 la toute nouvelle chocolaterie de Morlaix, puisque historiquement, on était à Lanmeur, à 20 minutes, dans le nord de Morlaix. C'était un ancien corps de ferme avec une boîte blanche à l'intérieur, une salle agroalimentaire, mais qui était devenue évidemment trop petite. Donc on a monté cette nouvelle chocolaterie à Morlaix qui fait 2500 mètres carrés, qui est vraiment l'outil de production de base pour nous, pour nos chocolats au sens large, tablette comprise, évidemment, et avec en plus une zone de vente directe qui est elle même connectée à tout un couloir de visite qui permet, à l’aller, d’en apprendre un petit peu sur la théorie sur le chocolat, avec les origines, les origines géographiques, l'histoire, etc. Et au retour, de passer devant la production. Un aller-retour, ou le visiteur a appris la théorie, et la pratique !
Fouad Souak
Que sur le chocolat, pas sur le café ?
Jacques Barreau
Que sur le chocolat. Le café c'est plus bas. C’est au siège de l'entreprise, donc à Morlaix. La torréfaction est située au pied de la rivière, donc à côté des écluses. Et c'est là où est mon bureau d'ailleurs, on est au pied de la rivière et la torréfaction c'est toujours fait là. Alors là, on est en train d'en monter une deuxième d'ailleurs à Taulé qui va permettre de booster la capacité de production de café puisque là on est par exemple en région parisienne, on commence enfin à distribuer nos café. Mais jusqu'ici on voulait pas le faire parce qu'on était trop limité en capacité de production. Là on a réinvesti dans un torréfacteur plus puissant avec une lance hacheuse etc. C'est un développement progressif. Mais c'est vrai que la chocolaterie de Morlaix, elle est emblématique. On a fait un beau bâtiment qui est très plaisant, même pour les ouvriers de l’ESAT. On a même travaillé la couleur de la lumière pour que ce soit plus chaud, plus agréable.
Fouad Souak
Il y a une sorte de scénographie sur place, ce qui améliore, j'imagine, les conditions de travail.
Jacques Barreau
Oui c'est ça le but, c'est de se dire quitte à travailler 8 ou 10 h par jour, autant le faire dans des conditions sympa. Et c’est un peu le fil conducteur, un peu ce qu'on fait d'ailleurs sur les bateaux pareil, Grain de Sail 2, ça va être un navire assez assez plaisant on va dire, naviguer avec plus de place, plus de confort.
Fouad Souak
Prévu pour quand d’ailleurs ?
Jacques Barreau
Il sort au mois d’octobre-novembre. Il va être maté sur Lorient, on va jouer avec pendant un mois ou deux pour tester, pour voir si tout va bien et il va débuter ses opérations de transport dès le mois de janvier. Il va beaucoup plus naviguer que le premier.
Fouad Souak
Parce que le premier, il reste quand même là ?
Jacques Barreau
Oui. C'est un navire qui passe 180 jours par an en mer. Donc c'est un navire qui navigue beaucoup mais qui fait que deux boucles par an, deux boucles transatlantiques, donc quatre transat par an. Grain de Sail 2 va la première année faire cinq boucles par an, donc dix transat par an, parce que la boucle c'est un aller retour. Et à partir de 2025, c'est un navire qui fera six boucles par an.
Fouad Souak
D'accord.
Jacques Barreau
Et voilà. Donc c'est un navire qui va passer 250 jours en mer à peu près. Ce sont des navires qui sont évidemment beaucoup plus exploités qu'un navire de plaisance. Je rappelle que de tête en France, un navire de plaisance sort trois ou quatre jours en mer.
Fouad Souak
Ah seulement ? Il est là le vrai coût environnemental.
Jacques Barreau
Ah oui. Les 50 mètres ce sont des navires qui sont vraiment fait pour la transatlantique. Une capacité d'emport de 238 palettes, 350 tonnes. Un équipage de sept marins, neuf cabines. Donc il y a deux places supplémentaires.
Fouad Souak
D'accord.
Jacques Barreau
Et puis voilà, c'est le navire de transport très bas carbone avec 90 à 97 % d'économie, une vitesse de 11 à 12 nœuds, donc très efficace qui transporte l'unité logistique, c'est la palette. Donc il n'y a pas de conteneur en ce moment du chargement en palettes direct. Et puis voilà que c'est une espèce de bête de course environnemental, très bien toilé, très beau en plus.
Fouad Souak
Il est fait sur quel chantier ?
Jacques Barreau
Il est fait chez Piriou qui est chantier Piriou mais pas Piriou en Bretagne car il n'y avait pas assez de place, pas de slot disponible comme on dit dans le métier. Mais il est fait au Vietnam.
Fouad Souak
Ok, donc le test, ce sera à Ho Chi Minh ?
Jacques Barreau
Alors non, on va le tester autour de la Bretagne, dans le Golf de Gascogne s’il faut. Dans nos conditions on va dire. Et c'est un navire qui va être, je pense, assez impressionnant quand même qu'on a des mâts carbone qui fait 54 m.
Fouad Souak
Alors il me semble que seul un U ne permet d'acheminer que 50 %.
Jacques Barreau
Oui il est déjà saturé depuis longtemps, on le savait.. On voulait limiter le risque industriel en démarrant par un 24 mètres en sous dimensionnement. Mais après, il faut être un peu humble quand même. Le maritime c'est un peu la base. Et on a bien fait d'ailleurs ce qu'on a appris énormément avec ce premier navire. Et effectivement, on réussit en ce moment à trimballer à peu près 51-52 % de nos cacaos et un petit peu de café, pas beaucoup de café donc il y a toute la place est prise par le cacao, mais comme notre but c'est de faire 100 %. C’est pour ça qu'il nous fallait le Grain de Sail 2 dès que possible. Et là c’est largement possible. Grain de Sail 2 permettra de transporter tous les cafés et tous les cacaos chargés. Il restera encore de la place pour transporter d'autres types de produits.
Fouad Souak
Parce que tu vas ouvrir Grain de Saill 2 à d'autres d'autres entreprises ?
Jacques Barreau
On ouvre nos cale effectivement pour d'autres chargeurs et à tel point d'ailleurs qu’il y a actuellement deux entités principales chez Grain de Sail. Donc le Grain de Sail qui est l'entité qui fait le café, le chocolat “Grain de Sail Shipping” qui est l'armement maritime, donc propriétaire et exploitant des navires. Et on va rajouter dans les jours à venir “Grain de Sail logistique”. Qui sera donc l'opérateur, l'organisateur. On va dans les transports à la fois pour le compte de Grain de sail et des différents chargeurs ou fret. Forwarder faire transiter par mon transitaire et de manière à pouvoir, même au niveau de la commission de transport des commissionnaires de transport. On a cette capacité à organiser des transports d'un point A à un point B.
On est en plus SOA opérateurs économiques agréés. Ce qu'on veut montrer aujourd'hui, c'est qu’on est capable d'être largement aussi professionnels que du transport classique. J'aimerais même à limite qu'àun moment donné, nos clients, chargeurs ou regardeurs oublient que c'est un bateau à voile et qu’on normalise quelque part cette notion de transport fortement décarboné. Que ça devienne logique, cohérent, simple.
Fouad Souak
Le réflexe aussi.
Jacques Barreau
De passer par un navire comme ça plutôt que de passer par un porte conteneurs.
Fouad Souak
D'accord, on est passé un peu vite là, sur la chocolaterie et sur le parcours pédagogique, sur comment ça se passe.
Jacques Barreau
C'est un parcours tout tout simple, c'est pas cher, c'est 3 € sur le parcours. Le but, ce n'est pas de dépenser de l'argent là dedans, c'est de venir et de comprendre un peu ce qu'on a voulu faire. Et c'est à la fois destiné à des scolaires ou à des adultes, évidemment. Pour vraiment comprendre, il y a plusieurs niveaux de lecture. On peut passer rapidement ou au contraire creuser un peu le sujet. Il y a beaucoup d'informations mais qui ne sont pas que des affiches, comment dire, fixe. Il y a beaucoup d'écrans, il y a les vidéos, il y a plein de choses en fait qui sont montrées, c'est très vivant. Il y a même un jeu vidéo à un moment donné qui est un jeu qui consiste à correctement concher. L'opération, c'est ce qui permet de réduire la taille des particules, notamment pour faire du chocolat bien bien fluide sous les 25 microns. Et une autre partie du jeu qui consiste à aller développer ce qu'on appelle les bêta cinq, qui sont les cristaux qu'on cherche à développer dans le chocolat pour avoir un chocolat bien brillant, bien cassant, sachant qu'il y a aussi les bêta 1, bêta 2, bêta 3 que cela qui sont plutôt à éliminer. Nous, ce qu'on veut c'est des bêta cinq.
Et bien c'est une histoire de courbe de température qui est bien connue dans le monde du chocolat.
Fouad Souak
D'accord.
Jacques Barreau
Donc quand on a un chocolat cristallisé à 45 degrés, on va faire baisser la température à peu près à 28. Là, il y a tous les cristaux qui se développent et on fait remonter la température à peu près à 31,5 degrés.
Et il se fait que seuls les bêta cinq résistent à cette température là. Et après on redescend et donc on a créé un chocolat qu'on appelle un chocolat cristallisé.
Et en refroidissant, ça va générer un chocolat bien brillant, bien cassant.
A l’inverse, si on prend un chocolat totalement décristallisé et qu'on le solidifie en une seule fois, donc on fait baisser sa température, on aura un espèce de chocolat un peu désagréable en fait en bouche. Donc la cristallisation du chocolat fait partie de la maîtrise de ce processus d'élaboration.
Fouad Souak
Oui, c'est ce que tu disais, c'est compliqué en réalité.
Jacques Barreau
C'est très compliqué, le café à côté c'est une promenade de santé.
Fouad Souak
Ah oui.
Jacques Barreau
Le chocolat, c'est très complexe, ça demande beaucoup de machinerie. Chaque tuyau qui transporte du chocolat doit être un tuyau qui doit être chauffé donc de la double peau. La moindre pompe doit être chauffée. On est au 10ᵉ de température partout. C'est infernal. Franchement, là, on est un peu détendu maintenant parce qu'on a appris depuis des années, mais au début on a souffert, ça a été très compliqué tout ça.
Fouad Souak
Donc il y a des ingénieurs qui travaillent à l'intérieur.
Jacques Barreau
On a fait venir des spécialistes, on a recruté des chocolatiers, on a recruté un directeur de production, etc. Enfin, on a staffé l'entreprise pour atteindre le niveau de maîtrise rapidement.
Fouad Souak
Finalement, la chocolaterie. On parle de ce parcours, de la fabrication du chocolat qui ne témoigne pas. Alors peut être que je me trompe parce que malheureusement je l'ai pas fait et que j'ai pu m'approvisionner à l'usine. Donc un choix, des engagements, des process, de la manière de faire. Est ce qu'on va un jour en fait avoir un lieu où on apprendra justement comment s'est constitué sa logique, comment on fait, quelle est la philosophie qui a animé un peu tout cela ? Parce que c'est bien de faire, mais si on a envie aussi d'inspirer un peu le changement, si on a envie d'inspirer les gens à changer de modèle, il faut aussi que les gens sachent s'inspirer de ce qui a existé et de ce qui a fonctionné. C’est vrai que c’est relativement important
Jacques Barreau
Pas assez, c'est vrai qu' on s'en rend pas forcément compte là d'ailleurs sur ce podcast est intéressant pour ça parce que il laisse le temps d'expliquer des choses quand même dans un niveau de détail plutôt satisfaisant en tout cas je trouve. Mais il est vrai que ce niveau d'explication, il n'est pas toujours facile à communiquer au travers d'un simple packaging. On essaie de le faire au travers du site internet, mais qui est déjà assez verbeux.
Il faut aller le voir comme il y a de la matière.
Fouad Souak
Et de l'info.
Jacques Barreau
Mais justement, je pense que la rubrique au passage notre philosophie durable et peut être la rubrique un peu clé dans tout ça, puisque c'est on montre très concrètement justement ce qu'on a mis en place et ce qu’il reste à faire aussi
Fouad Souak
Si on veut vraiment en apprendre plus sur Grain de Sail, c’est là qu’il faut aller.
Jacques Barreau
Elle est dans le menu principal. “Notre philosophie durable”, c'est le point commun et c'est là où on essaie de détailler toutes les actions qu'on mène en parallèle. Du coup, et j'insiste sur le mot, si ce n'est pas du tout du séquentiel, on fait plusieurs choses en même temps. Et pour essayer de répondre à cette problématique globale des limites planétaires et des contraintes sociales.
Fouad Souak
Il y a peut être d'autres objectifs à amener à pouvoir participer à des podcasts, à avoir une visibilité dans les médias. Avoir un contact aussi proche, direct peut être par le packaging, peut être directement par les usines.
Jacques Barreau
On a eu cette chance quand même dès le début d'avoir un sujet qui était suffisamment enthousiasmant pour que pas mal de journalistes soient venus nous voir spontanément pour faire des reportages. On a eu des reportages sur TF1, France deux, M6, le Guardian, le New York Post.
C'est assez étonnant à quel point on a soulevé l'enthousiasme, en tout cas par rapport à notre projet. On avait notamment pendant la crise Covid des journalistes qui venaient parce qu'ils en avaient ras le bol de traiter des sujets qui étaient un peu déprimant.
Et ils venaient chez nous, ”Au moins chez vous. Et il y a du positif.” Ça marche. On a eu beaucoup de communication et donc quelque part, la notoriété de la marque Grain de Sail vient aussi un petit peu de ça quand même.
C'est là on voit les fameux effets du cercle vertueux. Quand on veut vraiment bien faire les choses, on se facilite un petit peu le travail en même temps. Donc ce qui pourrait passer pour des contraintes de finalement essayer de baisser notre pression environnementale et d'améliorer le social, en fait, c'est que du positif. L'entreprise fonctionne mieux grâce à ça. On communique mieux sur nous, on recrute plus facilement. Enfin franchement, moi je n’aurais aucune raison aujourd'hui de revenir en arrière et de modifier notre manière de faire. C'est pas du tout une contrainte en fait. Quand on le fait vraiment, on le fait vraiment.
J'insiste sur la question en fait de dire qu'on est vertueux, il faut le prouver. Et c'est vrai que si on arrive à témoigner de tout cela, notamment à ses collaborateurs, c'est davantage d'engagement. Et c'est pareil avec, j'imagine, l'E, le client. Si la promesse est livrée, on le livre parce qu'on arrive à mener toutes les actions, eh bien ils seront au rendez vous.
Et quand c'est factuel, il y a un moment donné. C'est pour ça que je prends régulièrement le temps d'expliquer concrètement comment on a fait les choses. Il n'y a pas de secret, hein. Déjà, dire qu'on a mis du photovoltaïque sur chocolaterie, franchement, c'est pas un problème, au contraire. Ca montre simplement qu'aujourd'hui on a vraiment des leviers pour agir de manière très concrète. Et qu' il suffit de s'en donner un peu la peine quoi. C’est pas si compliqué que ça. Il faut surtout pas chercher à trop intellectualiser. La recherche de solutions, je pense qu'il n'y a rien de pire, au contraire, faut regarder les choses de manière pragmatique. Et un peu exhaustive aussi. Il ne faut pas se limiter qu'au bilan carbone. On parle beaucoup des gaz à effet de serre, du climat et c'est normal, c'est un vrai sujet. Mais si seulement il y avait que ça.
Fouad Souak
Il y a aussi la dimension sociale avec les ZAD, c'est ça. Voilà de nombreux sujets En plus, si les consommateurs se disent “Je fais un geste pour la planète ou pour la société en règle générale et en plus j'y prends du plaisir”, c'est tout bénef.
Jacques Barreau
Oui, c'est ça et c'est oui. C'est une philosophie de vie un peu aussi. Je pense qu'on doit tous mieux cohabiter sur la planète. Il y a donc la prise de conscience. Je pense qu'elle est réelle, mais après il ne faut surtout pas sous estimer la difficulté de nos changements d'habitude, la fameuse innovation comportementale. C'est ça le vrai sujet à venir, c'est qu'on se mette tous collectivement à évoluer dans nos manières de consommer. On dit souvent par exemple, que les jeunes sont très au fait des problématiques environnementales, et c'est vrai. Mais pour autant, les jeunes adorent les commander sur Internet, tout et n'importe quoi. Donc on voit qu'il y a déjà un écart comportemental. Il faudrait quand même améliorer quoi. Donc la nature humaine avec. On a tous un circuit de la récompense, qui est une espèce de cercle sans fin où il faut toujours acheter plus pour faire plaisir et en fait on donne jamais assez. La nature humaine est assez mal faite de ce côté. Le circuit de la récompense fonctionne à pleine balle depuis des décennies. Aujourd'hui, circuler dans une voiture fossile, c'est normal. S'acheter des T-shirts fait Chine, c'est normal. Non en fait, c’est pas normal.
C'est donc c'est ça qu'il va falloir changer petit à petit. Il faut prendre conscience en tout cas de tout ça et modifier nos comportements. L'innovation comportementale consommer moins, consommer mieux, relocaliser pour le coup, pour qu'il y ait de l'offre, qu'on ait enfin le choix, en France notamment et dans chacun des pays, de pouvoir acheter des vêtements ou des légumes plus locaux, des voitures un peu plus vertueuses ou plutôt prendre le train, éviter de trop prendre l’avion… C’est pareil et ça fait mal quand je choisis pas de prendre l'avion franchement, ça fait pas plaisir, mais bon, pour l'instant en tout cas, on a pas d'autres solutions. Peut être qu'un jour, d'ici quelques décennies, on aura trouvé quelque chose, Je ne sais pas. Il ne faut pas non plus voir les choses de manière trop noire, mais en tout cas aujourd'hui il y a une urgence, donc on essaye d'y répondre.
Fouad Souak
Alors c'est intéressant parce que ta démarche, en tout cas, moi ce que je comprends de ton propos, c'est qu’il ne faut pas non plus privilégier aujourd'hui des solutions trop radicales.
Jacques Barreau
Non parce que la radicalité n'emporte pas l'adhésion. C'est un peu ça la difficulté. C'est un équilibre, évidemment, mais il faut être à la fois quand même assez pêchu, quoi. Le problème, il est réel, donc faut pas non plus faire semblant. Mais tomber dans la radicalité c’est la meilleure manière pour que personne ne suive, sauf les radicaux qui vont représenter 5 %. Et donc on n'aura pas résolu le problème. Il faut être un peu plus malin que ça. Il faut quand même essayer de donner envie d'évoluer vers ça. Et pour donner envie… c'est continuer à produire du café, du chocolat par exemple.
Fouad Souak
Mais le faire différemment.
Jacques Barreau
La radicalité, j'avoue que c'est toujours très sceptique. C'est des approches un peu jusqu'au boutiste évidemment, mais qui en volume en tout cas, ne transforme pas l'essai.
Fouad Souak
Moi je suis d'accord, d'autant que j'ai participé à un atelier organisé par une association, où on peut faire de la pédagogie sur les choix individuels et collectifs, sur la façon dont on peut atteindre l'objectif de diminution de notre bilan carbone à 2050. Et il s'avère que deux tonnes, c'est la production carbone individuelle que nous devrions avoir.
Jacques Barreau
C'est la limite.
Fouad Souak
En fait, c'est la limite entre les deux à atteindre 2050. Et il s'avère que moi, quand j'avais fait le test, le bilan, j'étais pas très bon élève… En fait, il s'avère que la moyenne qui est a dix tonnes, j'étais à 7,9 et donc deux c'est pas deux mais c'est loin. Mais entre huit et deux c'est énorme.
Jacques Barreau
Alors après le transport, la voiture individuelle notamment, est un des gros éléments si ont veut s'intéresser à ça.
Fouad Souak
Il faut regarder effectivement quels sont tous les secteurs sur lesquels on peut à faire évoluer. En fait dans cet atelier on essaie de faire des choix sur à la fois la décision personnelle, individuelle et sur les choix collectifs, donc de niveau à niveau macroéconomique. Et on voit évidemment que c'est la conjugaison des deux.
On voit également, d'une certaine manière en fait, que les choix macro influencent aussi quand même considérablement la façon dont on atteindra ces deux tonnes.
Jacques Barreau
En tout cas l'objectif est intéressant parce qu'au moins il matérialise un petit peu déjà l'effort qu'il faut produire. On se rend compte qu'on est quand même loin de l'objectif effectivement, et ça permet au moins de donner une cible. Je pense qu'on a tous besoin de ça quand même. Et puis on voit qu'il ne faut pas faire les choses à moitié.
Fouad Souak
Et puis on voit aussi en fait, en vérité, que si même on prenait les décisions les plus radicales, on y arrive.
Jacques Barreau
Et c'est là où la nature humaine pose problème. Quelque part, la notion d'autodiscipline environnementale n'existe pas chez l'humain. On est tous un peu égoïstes finalement. On aime bien se faire plaisir une fois de plus. Et on n'a pas un comportement collectif vertueux. Enfin pas spontané en tout cas. Spontanément, on le fait jamais ça. C'est bizarre, L'humain est câblé de manière un peu un peu étrange. On est capable de tendre vers une espèce d'auto destruction quasi inévitable sans que ça pose de souci majeur.
Fouad Souak
Et puis en fait, c'est vraiment quand on est dos au mur quand on arrive à prendre les bonnes solutions.
Jacques Barreau
Ou alors dos au mur, on finit par bouger un peu. Mais le mur, il va être costaud.
Fouad Souak
Il est super épais. Et on arrive vite. Comment tu vois Grain de Sail dans 25 ans ?
Jacques Barreau
Sans doute comme une entreprise qui aura continué à grossir à priori, mais j'espère que d'ici là, on aura réussi à quelque part s'améliorer dans le plus de compartiments possibles. C’est à dire que par capillarité, petit à petit, on aura réussi à affiner tout notre modèle pour être le plus bas possible en pression environnementale sur tous les aspects. C'est un vrai travail de fond et il faut travailler tout le temps, essayer. Là, on est en train de refaire un système, par exemple de récupération d'énergie au niveau de la chocolaterie, c'est à dire qu'on a fait une V1, on a construit, on s'est rendu compte qu'il y avait des défauts, donc on les corrige, on se pose pas la question, on les corrige.
Fouad Souak
Tu ne te dis pas qu’à terme quand même que la partie shipping prendra le pas sur la partie torréfaction chocolat ?
Jacques Barreau
J'aimerais autant que ce soit équilibré si possible. En tout cas, ce sera sans doute l'occasion d'ailleurs. Après, nous, on n'a pas de limite particulière au niveau de notre développement. L'idée étant de proposer des produits qui soient à pression environnementale plus faible. Donc ça c'est plutôt bien que le groupe de continue à se faire plaisir avec des cafés, des chocolats, l'huile d'olive, des bons vins, du rhum. Est ce que la vie reste quand même du plaisir. Il faut éviter, comme cette écologie qui peut des fois passer, qui peut passer pour une écologie un peu punitive. Je pense pas que c'est avec une écologie punitive qu'on va embarquer tout le monde puisqu'on a besoin d'embarquer aussi la population générale. On a besoin que tout le monde s'y mette. C'est un effort collectif au niveau des entreprises et au niveau de nous tous en tant que consommateurs. Donc, il faut qu'il y ait du positif là dedans et j'espère que du bon chocolat au bon café, on injecte un peu de positif dans tout ça et que la vie continue à être aussi belle que possible sur une planète qui est quand même toute petite finalement.
Fouad Souak
Et oui à Grain de Sail !
Jacques Barreau
Et oui voilà.
Fouad Souak
Merci Jacques.
Jacques Barreau
Merci à toi.
Fouad Souak
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